2 semaines après notre départ de Paris, voici quelques extraits et impressions de nos premières aventures cyclistes entre Bursa et Konya.

Nous partîmes 4 du lycée Notre Dame de Sion, ramollis comme des baklavas par le formidable accueil stambouliote de cette première semaine. Nous quittâmes les rivages de notre Capoue dans une grisaille peu encourageante. Mais un prompt lever de soleil sur le Bosphore et la Marmara vint ranimer nos ardeurs et nous parvînmes à Bursa, 4 toujours mais avec la ferme envie d’en découdre avec les premières côtes de l’Uludag qui se dressaient devant nous.

Cet imposant massif montagneux était notre premier défi. Outre les paysages magnifiques qu’offraient ses vallées fraîchement déneigées, il était depuis Bursa l’unique porte d’entrée vers les contrées méconnues de l’arrière-pays Lycien. Cette région de Turquie, envoûtante, se caractérise par une succession de petits vallons verdoyants parsemés de villages d’un autre temps, sans jeunes, et où les paysans circulent encore à dos de charrette. Dans un paysage féérique nous observons les vieux couples de paysans bêcher patiemment leur parcelle avant la venue du printemps, les montagnes enneigées de l’Uludag se dressant en arrière-plan d’une véritable carte postale.
 Ohranelli, Harmancik, Demirgisaz furent nos premières étapes au cours desquelles nous nous familiarisions avec le mode de vie des grandes caravanes itinérantes. Levés tôt à 7h du matin dans une tente tenue par le givre, nous rendons au feu sa vivacité de la veille en soufflant sur les braises, avalons notre petit déjeuner à base de pain et de café soluble et partons pour 4 bonnes heures de vélo sur les très bonnes routes de cette région de la Turquie. Grosse pause le midi qui repousse souvent la reprise à tard dans l’après-midi. Les premiers coups de pédale qui suivent le repas sont les plus difficiles et chacun tente de gérer ces moments délicats à sa manière. L’un se lance un podcast dans les oreilles, l’autre de la musique (locale bien sûr) tandis que les autres préfèrent se planter le nez dans leur guidon en rêvant au camp que nous atteindrons dans 3 ou 4h. Lorsque nous parvenons à ce dernier, nous avons 80km de plus au compteur, le cerveau remplis de nouvelles images et rencontres, et les jambes percluses de crampes. Nous savions que les premiers jours seraient les plus ardus et nous trouvons encore la force pour nous installer autour de l’inévitable feu de camp.

Voici la routine qui devrait progressivement s’installer tout au long de nos journées. Heureusement, la diversité et la beauté des lieux que nous traversons ainsi que les galères et rencontres insolites qui jalonnent notre itinéraire nous préservent de la monotonie. En voici quelques exemples.
             Le troisième jour, la route que nous empruntons est recouverte sur 500m par un petit lac aux eaux froides. Chacun franchit l’obstacle à sa façon : grand détour, passage dans des champs inondés ou carrément à la nage à travers le lac. Nous laissons là 2h de notre journée. Précisons que le théâtre de nos mésaventures fût aussi celui de la bataille de Dulumpinar, ultime affronteemnt de la guerre d’indépendance turque, ce qui offre une allure plus auguste à notre combat contre les eaux.
             Le lendemain nous sommes accueillis par un groupe de bergers en pleine réunion de parti. Nous arrivions en pleine campagne pour les élections municipales et nous étions vite aperçus du grand intérêt des turcs pour la politique. De grands camions à l’effigie d’un candidat surmontés de puissantes enceintes répandant autour d’eux de la Pop turque croisaient régulièrement notre route. Nous ne nous attendions pas pour autant à tomber dans une réunion du Büyük Birlik Parti, au beau milieu du parc national de Baskomutan Tahiri. Inattendu était aussi l’accueil qui nous fût offert. Nourris par le maître de maison Ilkay, berger-éleveur indépendant, logés pour la nuit et initiés à l’élevage des fameux Turkish Lion, tantôt chiens de berger, tantôt chiens de combat. Un court et angoissant séjour dans leur enclos fût notre premier contact avec ces molosses dont la présence sur les routes de l’Est de la Turquie ne nous enchantait que moyennement. D’ailleurs, les bergers eux-mêmes ne s’en approchait pas sans un certain effroi.

Mais l’évènement le plus marquant et peut-être le plus dramatique survint au petit matin du cinquième jour lorsque Matthieu vit la poignée de notre poêle lui rester entre les mains tandis que tous les champignons, finement découpés et seule touche de variété dans cet énième petit déjeuner, mordaient la poussière. De rage, Matthieu jetait la poignée au loin et il fallut tous le sang-froid et le talent d’Arif pour laver les champignons et rattraper un début de journée bien mal embarqué.

Les dernières étapes furent particulièrement hautes et belles. Plusieurs cols franchis à presque 2000m d’altitude surplombant les grands lacs bleus d’Egirdir et Beysehir nous offrirent des panoramas époustouflants et nos premiers contacts avec la neige que nous retrouverons très vite dans les hautes montagnes du Taurus.

Cette première semaine, éprouvante mais fascinante, s’acheva à Konya, capitale du royaume seldjoukide de Rum et ville sainte du Soufisme où nous profitons d’une bonne douche et d’un massage turc digne des plus grandes scènes d’OSS 117 pour purifier nos corps de l’importante couche de crasse qui nous a tenu au chaud en cette fin d’hiver. La suite de nos aventures s‘écrira du côté de la Cappadoce d’où nous rejoindrons la grande chaîne du Taurus qui nous mènera à travers le Sud Est de la Turquie jusqu’au lac de Van, point de passage de la frontière iranienne.

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