Lundi 18 mars

Nous entamons cette semaine pleins d’enthousiasme. Le départ pour Mexico City est prévu pour cette après-midi puis  les Etats-Unis et Los Angeles mardi prochain, quel programme ! Avant cela, nous chargeons notre matériel sur nos vélos pour nous rendre à notre dernière interview avant Mexico. La flexibilité de notre hôte est la bienvenue, celle-ci nous propose de garder nos affaires jusqu’à notre retour afin d’exploiter toute la matinée sereinement. Guillaume, entrepreneur installé à Puebla avec qui nous avons gravi le volcan de la Malinche la veille, nous attend chez lui entouré de ses collègues Lucas et Rose. Les cloches des nombreuses églises environnantes retentissent à neuf heures lorsque nous franchissons le palier de leur maison partagée qui fait également office d’espace de coworking.  

Ces trois français nous accueillent sur leur terrasse en nous proposant un café. Ce n’est pas de refus ! Un court débrief sur l’ascension mémorable de la veille laisse rapidement place au vif du sujet. Environ trois heures de discussion continue nous permettent de mieux comprendre le projet de Jeremy. Son but est de faciliter l’accès à des stages au Mexique et en Amérique du Sud pour des étudiants de tous horizons. Une photo sur le toit aménagé met un terme à cette entrevue que nous aurions volontiers prolongée.

A peine notre déjeuner avalé, il est déjà temps de reprendre la route en direction de la gare routière mais cette fois chargés. Une petite heure est nécessaire pour atteindre cette station de car ADO. Une enceinte de plusieurs kilomètres carrés accueille des milliers de voyageurs qui doivent trouver leur chemin vers un des 200 cars rangés devant leur porte respective. Le trafic ferroviaire n’étant pas développé au Mexique, ce réseau de transport en commun sur grande distance connaît un très grand succès. Ce type de voyage est désormais aussi un moyen de locomotion pour lequel nous avons acquis des automatismes. Nos erreurs nous ayant coutées une partie de notre matériel, de légers dommages sur nos vélos et surtout des sommes récurrentes versées en contrepartie du chargement, nous prenons cette fois les devants. Nous remarquons immédiatement le petit jeu habituel que tente de mettre en place le conducteur en nous disant que nous sommes trop chargés et qu’il va falloir payer un supplément. De façon coordonnée, nous chargeons les vélos l’un sur l’autre dans les soutes et séparés par les sacoches en guise de protection, le tout en moins de deux minutes. Il ne nous reste plus qu’à monter dans le car après avoir validé nos billets auprès de ce même conducteur pris de vitesse mais finalement content de ne pas devoir charger seul tout notre équipement.

Alexandre profite de la première partie du trajet pour reprendre des forces en se laissant bercer par les ondulations créées par les imperfections de la chaussée. Edouard, envieux, n’arrive pas à fermer l’œil et enchaîne mécaniquement les parties de tarot virtuelles, jeu qui n’a plus de secrets pour lui.

Nous sommes prêts à nous introduire dans cette gigantesque zone urbaine que forme Mexico Cuidad, ville qui est également très haut perché. Cependant, malgré cela, lorsque l’autobus s’engage dans le dernier virage de l’autoroute qui transperce le massif montagneux environnant, l’agglomération qui s’étend à perte de vue nous laisse sans voix. Les maisons en béton ou pierres fragiles, que nous avons désormais l’habitude de voir depuis notre départ, sont cette fois répliquées à l’infini. Pour la plupart, la construction n’est pas terminée et ne le sera probablement jamais. Le seul moyen de différencier ces habitats vétustes et fragiles est leur couleur. Chaque foyer tente de se distinguer en peignant, lorsqu’ils en ont les moyens, le crépis de leur maison avec une couleur éclatante. Le bus aura besoin de plus d’une heure avant d’entrer dans la gare routière que nous pensions pourtant en périphérie.

Les quartiers qui nous ont été conseillés par Jeremy se trouvent à une dizaine de kilomètre. Nous devrions y trouver de la sécurité, des rues bordées de bâtiments au style espagnol et une forte concentration de touristes. Nos premiers coups de pédales dans la capitale ne ressemblent en aucun cas à cette description, les rues s’enchaînent et contiennent toutes leur lot de marché débordants du trottoir malgré que ce lundi est férié. A la tombée de la nuit, nous nous faisons interpeller par chaque vendeur qui tente de nous vendre toute sortes de choses, même ce qui ne devrait pas l’être, raison de plus pour accélérer le pas et nous mettre en sécurité.

« Quartier de la Roma » nous indique le GPS, voici un nom qui fait écho dans nos esprits. La Condesa est le suivant et celui qui nous servira de point de repère cette semaine. Une chasse au trésor, spécialité des hôtes mexicains pour transmettre les clés d’accès au logement sans avoir à se déplacer, nous est une nouvelle fois proposée. Distinguer le bon digicode sera la partie la plus ardue. Une chambre meublée avec deux lits simples et une table de travail nous semble parfaite pour notre séjour d’une semaine. Seul bémol, la cuisine promise par la description de l’hôte n’est composée que d’un micro-onde sans vaisselle associée. Nous ne pourrons pas aller bien loin armés uniquement d’une casserole en métal.

Mardi 19 mars

Au réveil, des courbatures, dues à notre ascension du volcan La Malinche 48 heures plus tôt, se font ressentir. Nous profitons de notre première demie journée à Mexico pour planifier les jours à venir, de nombreux interviews et rencontres sont au programme mais aussi la réception d’un colis cet après-midi.

En quête d’un déjeuner, nous décidons d’utiliser le métro pour nous rendre au “Centro Historico” afin d’enchaîner avec une première découverte des monuments aperçus trop rapidement la veille. Ce transport en commun est utilisé par plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs chaque jour. D’apparence mieux entretenu que le métro parisien, il a la particularité de séparer les voitures destinées aux femmes et aux enfants de celles prévues pour les hommes. Si le métro de la capitale française a son lot de joueurs d’accordéon, dans les wagons de Mexico c’est un véritable marché ambulant qui s’organise. Entre chaque arrêt, un véritable balai de danse a lieu qui introduit de nouveaux protagonistes. Musiciens, performeurs, vendeurs de chewing-gum, de montres, de cartes mémoires proposent tous leurs services accompagnés de speechs. Se déplacer à vélo serait en fait plus reposant.  

Le premier monument que nous avons l’occasion d’apercevoir, après nos tacos dégustés devant un match de foot local retransmis sur tous les écrans, est la cathédrale. Décoration intérieure lourde pour certains, il est vrai que les murs regorgent d’ornements dorés qui entourent un grand nombre de statuettes en marbres et autres pierres de valeurs. Peu de différences sont à noter par rapport aux édifices de ce genre que nous retrouvons en Europe. Les empires coloniaux ont par ce biais laissé une empreinte intemporelle prédominante dans le centre ville.

Nous nous rendons compte à la sortie qu’une deuxième église est collée à ce lieu de culte principal. Ce qui s’apparente à une réplique de la cathédrale semble être réservée aux différentes messes dont le planning s’étale sur toute la journée. Nous passons notre chemin et traversons la place de la Constitution ou « Zocalo ». Du monde s’y active et met en place les chapiteaux qui accueilleront dans quelques jours une partie des concerts du festival de musique que nous aurons la chance de pouvoir vivre.

Jusque-là nous avons suivi un plan classique de visite, l’entrée dans le quartier asiatique marque le commencement d’une déambulation plus hasardeusement. Nous jouons avec les limites des quartiers qui n’ont pas besoin d’être délimités par un plan. En effet, la démarcation et le changement de décors se font ressentir. D’un côté de petites ruelles parfois piétonnes qui s’entrelacent avec des avenues commerçantes aux couleurs des marques mondiales les plus connues. De l’autre, des vendeurs de tacos, armés de leur roulotte surmontée d’une plaque de cuisson, perdus au milieu de mur de béton et de chaussée à peine tracée.

Un bar Corona bleu et jaune apparaît au coin d’une rue, le timing est parfait avant de reprendre le métro vers le point relai qui a reçu la veste de vélo d’Edouard. En accompagnement du verre de bière Corona, Edouard se contente d’une part de gâteau classique qu’il meurt d’envie de goûter depuis plusieurs jours. Alexandre commande quant à lui un troisième repas composé de 5 tacos à partager pour trois personnes qu’il partagera entre ses deux mains, le tout avec un grand sourire.

Le point relai visé ensuite n’est autre qu’une boutique de vélos en bambou. Intrigués à notre arrivée dans ce magasin très bien agencé, nous ne pouvions nous retenir de poser plus de questions au vendeur et propriétaire du magasin. Celui-ci travaille justement avec différentes pièces d’un deux roues qu’il est en train d’assembler. Il nous explique les avantages de ses produits qui, à première vue, ne sont pas les plus rassurants en ce qui concerne leur résistance. Au contraire, d’après lui, leur solidité est remarquable et est même une force qui donne une extrême rigidité au cadre.

Un autre colis nous attend ce soir. A la suite de notre mésaventure dans un car en traversant la région du Chiapas, qui a entraîné la perte d’une partie de notre matériel, Edouard a fait en sorte de recevoir de quoi pouvoir travailler de nouveau. Pour le dîner, nous sommes reçus chez un couple français, qui a bien voulu réceptionner cet équipement. Lui travaille en entreprise et elle est professeur dans le lycée français de la capitale. Ils sont installés depuis plusieurs années dans cette ville. La vie au Mexique et surtout à Mexico est au cœur de la discussion. En récoltant les informations et en nous forgeant une idée plus précise de l’atmosphère et du climat entrepreneurial qui règnent ici, nous avons la chance de déguster une viande particulière et très appréciée de la famille.

Mercredi 20 mars

Deux jours nous ont suffit pour reprendre des forces et nous laisser imprégner par l’ambiance de Mexico, nous sommes impatients d’interviewer la série d’entrepreneurs avec qui nous sommes rentrés en contact. Coralie est la première de cette liste. Française, qui a mis sa profession en France entre guillemets pour monter un site de vente en ligne, nous attend dans un espace de coworking à quelques coups de pédales de notre logement. Nous profitons de notre avance pour reprendre les forces dont nous aurons besoin. Un bar restaurant situé à côté de l’espace de coworking nous a vite attiré. Assis autour d’une table en terrasse, à l’arrivée de notre commande, nous pourrions presque nous sentir en vacances !

Les papilles encore en extase grâce au jus à la mangue du jour, nous nous introduisons dans une ancienne maison en bois aménagée. Au rez de chaussée, un des innombrables restaurants de tacos parfume l’entrée. Sans ce rendez-vous nous aurions sûrement succombé pour un autre plat ! Les deux étages du dessus sont eux plus sérieux. Groupes de travail, entretiens téléphoniques en cours, lectures diverses, les personnes inscrites sur le créneau entre 13h et 14h s’affairent pour faire marcher leur business. Un canapé est placé en dessous de l’escalier principal, à l’écart, il permet tout de même de rester dans l’ambiance environnante. Nous y prenons place pour entamer l’entretien avec Coralie. L’explication de son projet de vente de produits textiles sont l’occasion d’aborder des thèmes comme la logistique pour les livraisons, la qualité des produits locaux mais bien d’autres encore.

Un passage rapide par le logement et la table de travail pour rassembler et enregistrer les premières informations puis il est déjà temps de rejoindre Nicolas pour notre second interview. Celui-ci nous reçoit sur la terrasse dans sa demeure. Il nous a prévenu, contrairement à la péninsule est du Yucatan, la température chute le soir, ce qui nous convient tout à fait. Pistaches et chips sont déjà entreposées sur la table et nous mettent à l’aise dans un cadre imposant. « Les pizzas arrivent ! », il ne nous en fallait pas plus pour véritablement nous lancer dans une discussion enrichissante de plus de trois heures. Passionné par son travail en tant qu’entrepreneur ayant monté son entreprise qui propose des cours en anglais pour les professionnels, Nicolas s’intéresse aussi aux théories liées à l’entrepreneuriat. Quoi de mieux qu’un récit pimenté par des exemples bien racontés et suivant une ligne directrice constamment comparée à ces théories ?

Malgré notre volonté de faire le plein d’énergie, nous ne pouvions pas couper cours à cette interview. C’est donc avec seulement quelques heures de sommeil que nous bondirons de notre lit demain avec pour objectif de visiter une richesse historique incontournable du pays.

Jeudi 21 mars

Comme à notre habitude lors de nos visites de lieux incontournables, notre objectif est d’arriver le plus tôt possible. A l’écart de Mexico, le site de Teotihuacan n’est pas atteignable assez rapidement à vélo, nous optons donc une nouvelle fois pour le car. Un trajet d’une heure et demie est nécessaire pour, dans un premier temps, accéder à la gare routière. Comme nous pouvions nous y attendre, le bus que nous avions prévu de prendre ne passe pas, il faut donc improviser. Heureusement, le trafic est encore peu dense à 6h du matin, ce qui nous laisse la possibilité de bifurquer par les avenues de l’hypercentre normalement bondées. Edouard nous guide parfaitement grâce aux indications des pilotes et habitués de ces transports. La particularité des bus de Mexico est qu’ils ne ferment que très rarement leurs portes. Portes qui sont de toute façon trop petites.

Arrivés à la gare routière, nos tickets en poche, nous montons dans le car spécialement affrété pour le trajet. Toute la journée, ce dernier enchaîne les aller-retours jusqu’à Teotihuacan. Tout d’abord intrigués par l’imposant crucifix entreposé contre le parebrise, la conduite effrénée du chauffeur explique rapidement ce qui le pousse à rechercher toute forme de protection. L’enchaînement des virages à toute allure et le jeu du parechoc contre parechoc avec les engins des compagnies concurrentes a l’avantage de nous faire arriver rapidement sur le lieu de notre visite.

Notre entrée sur ce site, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, se fait entourée de petits marchands qui installent leurs stands de souvenirs et produits qu’ils prétendent locaux. Le soleil décide lui aussi de rentrer en jeu et nous effleure de ses premiers rayons. Nous avons été prévenus, cet endroit ne laissera pas de répit à ceux qui veulent se confronter aux UV puissants de ce coin de désert.

Edouard, grand adepte des panneaux d’informations, ne loupe pas un seul de ces derniers. Ils relatent en partie l’histoire des civilisations autrefois présentes et proposent de s’aider d’un plan pour mieux comprendre la disposition et l’utilisation des constructions.

Devenu expert des lieux, il n’hésite pas à sortir des sentiers battus avant d’arriver au pied des deux pyramides majeures. Il fait une découverte qui le ravit au plus haut point. Pour ceux qui l’ignorent, Edouard est un passionné des civilisations de fourmis. Un groupe de ces petits insectes est justement en train de s’afférer autour d’un verre de terre. Impossible de décrocher cet apprenti biologiste de cette autoroute qui lui barre le chemin.

Une fois dans le logement, nous reprenons nos esprits une dizaine de minutes puis chevauchons nous vélos en direction du restaurant brésilien où nous attendent la famille de la cousine d’Alexandre. Au menu, buffet de légumes et sauces à volonté ainsi que des brochettes de viande à la demande et de plusieurs types. Certes un classique pour les connaisseurs, c’est une première pour Edouard et Alexandre, ce dernier s’imagine déjà comment il va pouvoir savourer ses assiettes remplies de saveurs qui commencent à lui manquer. Il accélère le rythme. A la sortie du périphérique, le bitume vient d’être passé au peigne fin par les engins d’entretien. Une fine couche d’eau est encore présente, Alexandre y passe avec précaution en freinant sèchement juste avant. Edouard ne pouvant pas anticiper cela part sur l’extérieur pour éviter son coéquipier et freine dans le virage en dévers, au beau milieu de cette zone glissante. Les pneus marathons ne suffiront pas à maintenir l’adhérence déjà très réduite. Il se retrouve à terre et glisse sur quelques mètres. Heureusement sans gravité, cet incident a le don de nous refroidir.

Le repas tient toute ses promesses et gâte nos papilles, nous savons déjà que nous n’aurons pas besoin de prévoir de dîner. A la suite de cette journée bien remplie, il n’est pas difficile de trouver le sommeil.

Vendredi 22 mars

Après celle de mercredi, une seconde salve d’entretiens nous attend aujourd’hui. Elles auront toutes lieu dans le quartier des affaires de la ville : Polanco. Pour l’occasion, Alexandre et Edouard sortent leur chemise qu’ils ont chacun pris le soin de bien enrouler au fond de leur sacoche.

Une fois notre petit déjeuner conclu, il est temps de prendre la route. D’abord la grande avenue Reforma qui relie les différents centres actifs de la ville puis nous bifurquons sur une piste cyclable, quel changement drastique de condition de circulation par rapport à ce que nous avions vécu jusqu’alors ! Edouard, après sa chute de la veille, en profite pour reprendre confiance sur son vélo. Sillonnant entre les gratte-ciels pendant plusieurs kilomètres, nous attachons finalement nos bicyclettes au pied de l’un d’entre eux.

Au quatorzième étage de ce cube de fer est placé l’espace de coworking où Noémie et Laura nous ont donné rendez-vous.  Le but de cet interview est d’en savoir plus sur le site internet de test de produits cosmétiques lancé par Laura il y a deux ans. Autour d’un café préparé dans la cuisine commune, les présentations se font dans la bonne humeur et le tout se prolongera dans un petit salon inoccupé.

En plus de centraliser les principales entreprises mondiales, le quartier de Polanco possède un Décathlon, deuxième passion d’Edouard après les fourmis. Il s’y rue dès notre sortie pour s’acheter un nouveau sac à dos. Cependant, la vraie raison de notre venue est que nous devons trouver des boules de pétanque pour cet après-midi. Emma, également étudiante à l’EDHEC Business School et que nous avons connue au sein de l’association sportive Raid EDHEC, nous a organisé une rencontre qui s’annonce d’un niveau très relevé. Une fois les boules en poche, nous allons rapidement déjeuner.

Tessa, une franco-mexicaine, qui s’est installé au Mexique après avoir grandi en France, travaille elle aussi dans espace de coworking plus calme et cloisonné. L’espace qui est réservé à son entreprise de plateau repas pour les professionnels est situé au dernier étage avec accès à une terrasse. Le cadre est parfait !

Au moment de refermer derrière nous la porte de sortie de cet établissement, nous apprenons l’annulation de notre dernier entretien en début de soirée. Il nous faut donc rapidement trouver comment remplacer cela de la meilleure des façons. La rencontre de pétanque sera très certainement de bon conseil. Six français sont déjà en pleine partie lorsque nous arrivons sur les lieux. Loin d’être intimidés et forts de notre expérience dans ce sport qui n’a plus de secret pour nous, nous proposons d’être directement ajoutés sur le tableau des scores. Les résultats décevants qui suivent nous font peu à peu comprendre que nous n’avons pas pris en compte le climat et l’environnement. Une désillusion pour nous qui pensions prétendre à une victoire facile. Un point positif est tout de même ressorti de cette fin d’après-midi. Nous avons pris la décision d’aller voir, ce soir, de la « lucha libre » qui est l’équivalent du catch au Mexique. Pour cela, nous donnons rendez-vous à Emma deux heures plus tard pour dîner et trouver les billets nécessaires.

Impatients de découvrir l’attraction locale dans l’arène principale de la ville, nous accélérons le pas en sortant de l’appartement. Le repas est rapidement commandé dans un marché couvert où se côtoient de multiples restaurants mettant chacun un pays de l’Amérique du Sud et ses plats en avant. Seul intru, un espace italien qui est à priori la recette miracle au Mexique. Rassurant américains et européens, la cuisine italienne à bon prix est aussi un moyen pour les mexicains de s’évader.

Le principe du catch est difficile à comprendre dans les premiers instants. Les combats sont grossièrement simulés et les coups n’atteignent pas leur cible. C’est l’enthousiasme de la foule et les cris qui nous font finalement regarder tout cela avec le bon œil. Il suffit de rentrer dans le spectacle et de simuler à son tour des encouragements. Nous finissons par être impressionnés par les performance acrobatiques et presque chorégraphiques, quel spectacle ! La vie fatigante d’étudiant en échange universitaire a déjà mis les organismes d’Emma et ses amies à rude épreuve la veille. Ayant puisé dans leurs dernières réserves pendant ce match, ils préfèrent tous repousser au lendemain la prochaine soirée digne de ce nom. Pensant passer notre première soirée au Mexique, nous rentrons bredouilles mais avec des images de catch plein la tête et une forte motivation pour la prochaine soirée.

Samedi 23 mars

La veille, Emma a proposé aux deux compères une matinée méditation dans un parc de Mexico. Pendant qu’Alexandre termine sa nuit, Edouard décide de rejoindre Emma pour se détendre. Accompagné d’Emma qu’il a la gentillesse de porter sur son porte bagage, ils se rendent ensemble à un événement spécial. Arrivée sur le lieu de rendez-vous ils découvrent un cadre magnifique pour se recentrer sur soi-même. Après une petite heure de méditation en espagnol Edouard, Emma et quelques unes de ces amies sortent du lieu et découvrent un marché remplis de produits biologiques. Le reste de la matinée se fera dans les allées du marché à tester tous les produits proposés.  

Le départ approche et nous voulons être prêts au minimum un jour avant le départ car ici il est impossible de régler un souci au dernier moment. Aujourd’hui, nous allons chercher des cartons pour emballer nos vélos, indispensable pour les emmener avec nous. Alexandre est à cours de vêtements, il enfile sa tunique bleue achetée dans le marché de Oaxaca. Une fois ces cartons récupérés, nous peaufinons l’organisation des préparatifs avant de rejoindre une nouvelle fois Emma.

Ce soir a lieu le festival de musique qui fait intervenir des groupes de musique dans toute la ville. La suite de la soirée aura lieu chez une amie d’Emma qui est en colocation avec des anglais. Ces derniers ont aussi l’ambition de faire durer cette soirée, finalement les deux groupes se rassemblent. Malheureusement, un nouvel échec conclut cette sortie nocturne. En effet, notre arrivons trop tard à l’entrée de la seule boite de nuit mexicaine dont nous sommes approchées. Nous avions réservé mais ceci n’était plus valable. Découragés, nous rentrons une nouvelle fois très déçus.  

Dimanche 24 mars

Deux entretiens sont au programme de ce dimanche, il n’est donc pas question de prendre une journée de repos malgré la soirée à rallonge de la veille.

Au fur et à mesure de notre aventure, nous cherchons à devenir de plus en plus autonomes afin d’être prêts lorsque nous devrons partir en itinérance à partir de la Californie. Ainsi nous avons jusqu’ici lavé notre linge uniquement à la main, ce qui, après plusieurs semaines, a tendance à le rendre très rêche. Par chance, ce matin, Emma nous propose de profiter de sa machine à laver. Que de temps gagné et surtout une douce odeur de lessive va de nouveau remplir nos sacoches de voyage.

Une fois le linge déposé, nous prenons la direction du Jardin Pushkin. Cet espace vert, placé aux abords du quartier de la Roma, est bordé d’une multitude de petits restaurants et marchands en tout genre. Ce n’est pas un hasard si nous nous trouvons à cet endroit pour le déjeuner, nous avons suivi les conseils de l’entrepreneur française qui nous a aussi proposé de la rejoindre chez elle par la suite.

Le projet monté par cette dernière propose d’assister à une dégustation de vin mexicain, qui aura pour but de transmettre à la fois des connaissances mais aussi un ressenti émotionnel grâce aux produits présentés. Une véritable expérience à multiple facettes !

Nous savions en nous levant ce matin que très peu de répit nous attendait aujourd’hui. Aucune marge n’est prévue à la sortie de cette interview. Les aurevoirs sont rapidement succédés d’une virée à pleine vitesse dans le centre de Mexico. Chloé, architecte de formation, a monté sur cabinet d’art et d’architecture avec son mari. Tous deux nous attendent chez eux, au dernier étage d’un immeuble. Comme nous pouvions nous y attendre, cet appartement est somptueux, aménagé de façon très personnelle tout en exploitant un cachet intrinsèque certain.

Pour remercier Emma, nous nous rendons chez elle armés d’un paquet de pâtes et de quelques bières. Un repas simple qui nous permet de refaire un bilan des péripéties de la veille mais aussi plus largement de nos différents avis sur le Mexique. Le Chiapas, région que nous avons traversée deux semaines plus tôt, est la destination choisie par le groupe d’étudiants habitant cette colocation. Nous faisons donc profiter de nos conseils sur ce que nous avons pu voir et sur les conditions sécuritaires qui peuvent être précaires par endroit.

Lundi 25 mars :

Edouard se lève de pied ferme et s’attaque au démontage de son vélo sur le trottoir. Les cartons qui nous sommes allés chercher la veille nous oblige à démembrer entièrement nos montures. Roues, pédales, béquille, selle, guidon, garde-boue, porte-bagages, tout y passe. Alexandre, lui, commence par regrouper et organiser ses affaires dans les sacoches que nous allons ensuite entourer de cellophane. La difficulté réside dans le fait que nous devons à la fois bien répartir nos affaires, outils et matériels de sport afin de respecter les limites de poids pour chaque groupe : bagage spécial pour vélo, bagage en soute et bagage à main; mais aussi pour être très efficaces lors du remontage de nos vélos au beau milieu de l’aéroport de Los Angeles le lendemain.

La matinée s’écoule rapidement. Notre dernier déjeuner mexicain commandé et délecté dans un restaurant d’une rue parallèle, nous prenons le métro pour rejoindre le Centro historico une ultime fois. Le musée emblématique d’anthropologie étant fermé le lundi, nous nous rattrapons avec le marché artisanal. Nous sommes là pour emporter avec nous quelques souvenirs de ces terres que nous ne refoulerons pas de sitôt.

Une dernière photo sur le Zocalo pour marquer le passage de Rocket Bike sur le territoire mexicain et nous retournons à notre logement pour prendre des forces avant le départ rocambolesque qui nous attend le lendemain.

Mardi 26 mars

Le jour de la première grande transition est arrivé. La nuit a été courte et stressante. La cause ? Le nombre d’inconnues liées à notre départ est élevé. Lorsque la sonnerie du réveil retentit, nous savons exactement ce que nous avons à faire. Les quatre heures de repos, en plus de nous procurer l’énergie nécessaire pour affronter le désordre de l’aéroport de Mexico City, nous a laissé le temps de faire des répétitions dans nos esprits.

Nous commandons le Uber XL une fois la chambre passée au peigne fin. Un véhicule sept places s’arrête devant nous quelques minutes plus tard. Le regard lancé par le conducteur, lorsque celui-ci aperçoit notre chargement, nous fait vite comprendre que nos craintes étaient justifiées. “Es too much !” nous dit ce mexicain aux paupières gonflées, qui trahissent une lourde fatigue après cette nuit de conduite. N’ayant pas le choix, nous bluffons en affirmant que toutes nos affaires étaient rentrées dans le Uber imaginaire du voyage aller. L’absence de réaction à notre première tentative nous oblige à opter pour une autre option, ne pas laisser le choix ! Nous ouvrons le coffre, abaissons les sièges et chargeons rapidement les deux vélos empaquetés dans leurs cartons. Une fois les sacoches de vélo et sacs à dos ajoutés, il ne reste plus qu’une seule place passager de libre. Nous décidons de laisser Edouard attendre un second Uber et négocions auprès du conducteur toujours réticent à prendre le départ dans ces conditions. Un pourboire ou plutôt une propina de 40 pesos, l’équivalent de deux euros, seule monnaie qu’il nous reste, fera finalement changer d’avis ce petit homme.

Tout est possible au Mexique mais tout se paye et nous allons encore une fois nous en rendre compte. A peine arrivés au Terminal international de l’aéroport de Mexico, nous recherchons des chariots indispensables pour nous déplacer. Même cette étape va se montrer compliquée. Nos 40 pesos étant déjà envolés, impossible de régler les dix pesos nécessaires pour emprunter un chariot. Edouard se voit obligé de faire appel à la gentillesse des voyageurs acceptant de lui donner l’équivalent de quelques centimes d’euros pour se procurer cet engin.

Nous continuons notre parcours du combattant en prenant place dans la fil d’attente devant le guichet d’enregistrement des bagages. Un interviewer arrive rapidement à notre niveau pour nous poser une liste de questions basiques et obligatoires sur nos intentions aux Etats-Unis. Il accepte ensuite de nous guider vers le guichet des objets hors dimensions. Il nous est tout d’abord demandé de refaire la queue car nous sommes deux et que seule une personne n’est acceptée à la fois. Nous refusons et trouvons un terrain d’entente après plusieurs minutes. Ensuite, la responsable de l’immigration a le regret de nous annoncer que nous ne pourrons pas monter dans l’avion car la loi dispose de posséder un billet de sortie des Etats-Unis. Billet que nous ne pouvons pas avoir puisque nous voulons nous rendre au Canada à vélo. Par chance, Alexandre a en sa possession un exemplaire de son contrat de stage qui stipule que notre mission se terminera au mois d’août. Nous tournons la chose de la bonne façon pour que cette date corresponde à un retour obligatoire en France, ce qui nous permet de poursuivre l’enregistrement.

Contrairement aux démarches précédentes, nous passons facilement les portiques de sécurité avec notre bagage à main, trop facilement à notre goût. Edouard réussit à garder avec lui une gourde d’un litre sans la moindre vérification, le détecteur de métaux sonne le long de tout son corps mais personne ne l’arrête. Soulagés mais peu rassurés par ce contrôle approximatif, nous nous asseyons en avance devant la porte d’embarquement 61 que nous franchirons avec trente minutes de retard.

Le vol se passe sans encombres et nous arrivons sur le sol américain. Le passage de la douane, à notre grande surprise, se fait facilement. Notre Visa obtenu quelques mois avant nous a ouvert grand les portes du pays. Nous récupérons nos vélos, passons le portique et commençons le montage des montures. Pendant qu’Alexandre fini de remettre les roues de son vélo, Edouard va échanger les quelques pesos qu’il leur reste et obtenir les premiers dollars de l’équipe, l’aventure américaine peut commencer !

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