« Historiquement, le français a une très belle place en Turquie. Ce sont les échanges entre François Ier et Sulaiman le Magnifique qui ont fait naitre la diplomatie moderne et ceci, en français. Pour les turcs, elle marque un certain niveau de société. Atatürk était un grand francophile comme toute l’élite intellectuelle turque de la première moitié du XXème siècle. »

Quel a été votre parcours ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?

Honnêtement, il n’y a eu aucun élément déclencheur, cela a plutôt été une succession de hasards. Après une année de classe préparatoire littéraire, des amis m’ont parlé du français langue étrangère. Pour la maitrise, à la fac, en fin de quatrième année, je devais faire un stage. J’ai alors candidaté à un stage via le ministère des affaires étrangères qui chaque année délivre 50 places pour aller travailler dans des écoles francophones à l’étranger. La Turquie était dans mes premiers choix de pays car j’y avais fait un voyage touristique avec un ami l’été précédent. Par chance, j’ai été classé parmi les premiers et je me suis retrouvé en Turquie. Comme quoi le hasard fait bien les choses.

Comment a été votre
intégration ?

Au niveau des formalités, étant venu dans le cadre du stage du ministère des affaires étrangères, j’ai été complétement pris en charge par le ministère en terme de visa et de logement au moins début. Depuis mon intégration à Sainte Pulchérie, c’est le lycée qui s’occupe de tout. Un peu fastidieux au niveau des papiers à fournir mais globalement il n’y a rien de bien compliqué.

Les turcs sont un peuple très accueillant. J’ai eu la chance
d’arriver à un très bon moment de la vie stambouliote, au début des années 2 000,
lors de la période dite de la « mobida » avec un renouveau dans
l’art, la musique, une émulation très forte. Une atmosphère de fête qui fait
d’un « petit parisien » un vrai prince à Istanbul tant la vie est peu
chère et les turcs chaleureux et bienveillants envers les étrangers européens.
Apprendre le turc a été certes difficile au début mais les turcs aident
beaucoup. Ils essaient de te comprendre et t’encouragent à apprendre en te
mettant tout de suite à l’aise avec les fautes de langue.

Ce qui a été difficile est plutôt ce côté « si proche,
si lointain » quand j’ai commencé à m’installer et faire ma vie ici. On se
laisse avoir par le côté « c’est différent » et « c’est
dépaysant » du fait d’une culture méditerranéenne très forte où tout est
très facile, très ouvert, très festif. Mais sur le long terme, cette différence
se met à peser. On nous renvoie facilement à notre statut d’étranger même après
15 ou 20 ans en Turquie avec des remarques du type « tu n’as pas ton mot à
dire, tu n’es pas turc », ce qui peut-être un peu frustrant.

Quelles sont les particularités turques en termes de management ?

Avec notre Directeur Monsieur Abellan et moi-même en qualité de coordinateur pédagogique on a essayé d’instaurer une direction plus participative. Or, on s’est vite heurté à l’incompréhension d’une partie du corps professoral qui nous disait : « dîtes-nous simplement ce que Monsieur le Directeur veut qu’on fasse et ce sera fait ». Autre exemple assez évocateur de cette relation à l’autorité : au lycée, on appelle tout le monde par son prénom précédé du mot « Monsieur », ce qui donne pour moi, « Monsieur Julian ». Lorsque Alexandre Abellan, auparavant enseignant, est devenu directeur, il est passé de « Monsieur Alexandre » à « Monsieur Abellan », ce sont des codes de langage qui permettent de marquer l’autorité. Mais d’un autre côté, cette attitude directive doit s’accompagner de beaucoup de petites marques d’affection, d’un ton presque un peu mielleux, une sorte d’accompagnement tendre, c’est un équilibre à trouver.

Quelle est l’image du
français auprès des turcs aujourd’hui ?

Historiquement, le français a une très belle place en Turquie. Ce sont les échanges entre François Ier et Sulaiman le Magnifique qui ont fait naitre la diplomatie moderne et ceci, en français. Pour les turcs, elle marque un certain niveau de société. Atatürk était un grand francophile comme toute l’élite intellectuelle turque de la première moitié du XXème siècle.

Pourquoi les élèves turcs
choisissent d’apprendre le français ?

D’abord les établissements francophones ont une image de discipline
et de rigueur qui est très positive pour les parents. Ils sont sûrs que leur
enfant seront pris en charge. Apprendre le français est aussi, bien sûr, un
tremplin pour venir étudier en France ou bien au Canada.

Quelles sont les
perspectives professionnelles qui attirent les jeunes turcs ?

Ils sont peu dans l’esprit « startup ». Leurs
parents qui ont vécu le boom économique de la grande croissance turque étaient
plus poussés vers l’entrepreneuriat. Aujourd’hui du fait de la récession
économique, ils semblent plus timides de ce point de vue-là. Ils se penchent
davantage vers les filières de métier plus traditionnelles : le droit, la
médecine, l’industrie.

Deux avantages de l’expatriation
en Turquie ?

  1. Ma vue sur le Bosphore depuis mon appartement au
    petit matin
  2. Ce côté « si proche, si loin ». Je
    suis à la fois dans ma bulle à Istanbul mais je peux en sortir avec 3 heures d’avion
    jusqu’à Paris.

Deux inconvénients ?

  1. Être renvoyé à son statut « d’expat »
    même après une dizaine d’année dans le pays
  2. Être loin de ses proches

Une conclusion ?
Un conseil pour le jeune français qui voudrait partir ?

Il faut tenter l’expatriation, même juste pour un an. Quoi
qu’il advienne, cela permet d’avancer sur soi-même et ses projets, s’ouvrir aux
autres, à une autre culture – ou bien tout aussi légitimement -savoir les
raisons pour lesquelles on ne veut pas s’ouvrir.

Partir. Quand on est jeune, on peut prendre un an pour aller
travailler ou monter un projet à l’étranger. Tel les jeunes nobles qui, au XIXème
siècle, partaient pour un long voyage initiatique, il faut y aller, tenter l’aventure
turque !

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