Nous nous arrêtons à la Serena, une station balnéaire à 300 km au nord de Valparaiso, après 4 jours de vélo intensif et une fâcheuse tendinite pour Nicolas. Nous décidons de dormir dans une auberge de jeunesse et celle-ci se révèle mémorable : un jardin gigantesque, une ribambelle de petits chiots et de superbes rencontres : quoi de mieux pour se reposer après cette difficile étape ? Nous rencontrons notamment un couple de retraités et plusieurs allemands et un australien avec qui nous partageons nos après-midis et nos soirées. Après 3 jours de repos, de montage vidéo, de rédaction et même de surf, il est déjà temps pour nous de dire au revoir à tout le monde et non sans peine. Les adieux prennent plus de 2h, nous sommes escortés avec une haie d’honneur telles trois stars américaines.

De retour sur le goudron, nous sommes une fois de plus touchés par la générosité des chiliens. Nicolas, au poste de gardien de vélo, pendant que Corentin part à la recherche de SON DRAPEAU chilien et Paul fait les courses, se fait offrir par une petite dame un sac rempli de viennoiseries fraîchement achetées à la boulangerie d’en face.                                                      

 “Vraiment les gars j’ai été profondément touché et ému par son geste ! Je ne savais même pas quoi lui dire pour la remercier”, nous dit Nicolas…

Nous repartons donc motivés comme jamais sur cette interminable “Ruta 5” qui nous mènera vers San Pedro d’Atacama. Au programme de cette étape : rebelote, un peu plus de 400 kilomètres dans un désert montagneux où peu d’âmes ont élu domicile, sans oublier bien sûr les montées infernales et désertiques agrémentées de quelques imprévus.

Ce soir, encore jamais vécu dans l’histoire Rocket Bike, nous découvrons au loin des dunes vierges face à l’océan, avec un fond montagneux pour rendre le paysage encore plus original. Ni une, ni deux, nous mettons cap droit devant en passant par des chemins clairement peu empruntés. Le spot de camping est trouvé, nous installons notre campement de fortune sur une dune à deux pas de l’océan. C’est magique, nous contemplons chaque jour un peu plus l’immensité et la beauté du ciel étoilé à mesure que nous nous éloignons de l’empreinte humaine.

Qui dit océan dit niveau 0, dit surtout un gentil dénivelé positif qui nous attend. Après une nuit avec un confort 5 étoiles sur un matelas naturel à base de sable fin, nous réalisons rapidement que cette journée risque d’être relativement compliquée et épuisante. Partis au niveau de la mer, nous grimpons sur de nombreux lacets en direction d’un haut plateau niché à plus de 1600 mètres d’altitude. Parfait réveil en douceur, on ne pouvait pas faire mieux…

 

Les paysages changent et nous rappellent le chemin parcouru à travers la Cordillère. Les montagnes rocailleuses sont au rendez-vous, avec les cactus en bonus. Le soir, le Chili ajoute son petit grain de ciel afin d’égailler nos nuits. Ici, c’est le royaume de l’observation spatiale : de nombreux observatoires surplombent la vallée et, à la nuit tombée, nous comprenons très vite pourquoi. Le ciel se dévoile totalement et nous offre un azur extraordinaire de clarté. Nos spots de camping sauvages sont de plus en plus insolites et nous font rapidement oublier les galères quotidiennes. Nous décidons même d’enlever le double-toit en dépit du froid afin de profiter pleinement de ces moments magiques. Pourquoi s’abrutir des heures devant la télé lorsque l’on a un écran plat LCD 16 milliards de pixels devant nos yeux ? On en prend plein les yeux, on adore, on admire et on profite. Bonne nuit les petits.

« L’Homme de l’Ombre, par Coco Camel »

Les jours passent, le dénivelé est toujours aussi élevé et la jambe de Nicolas lui fait toujours autant défaut. “Sacrée tendinite, que ferais-je sans toi ?”

Au vu de la Ruta 5 si bien décrite par les chiliens comme “charcha”, deux hommes klaxonnent en direction de Nicolas et lui propose même de l’emmener en haut du col en lui demandant pourquoi il se fait tant de mal. Nicolas n’hésite pas une seconde et continue sa montée sur sa fière monture. “Il faudra me faire descendre de force de mon vélo, je n’accepterai JAMAIS de monter à l’arrière d’un pick-up, ne serait-ce que pour 3 km.” (remember article 3 Nicolas…)

Pendant ce temps là, sûrement en train de rêver d’Hermione ou peut être d’Harry Potter (qui sait), Corentin heurte une grosse pierre jalonnant le bord de la route. Le coup de trop, Corentin disloque (ou plutôt pulvérise) sa pédale, l’empêchant d’avancer. Tant bien que mal, les kilomètres s’enchaînent avec difficulté. Au bout de 50km, son pied gauche commence clairement à vouloir dire stop à la souffrance. Essayez ne serait-ce qu’un kilomètre de pédaler avec une pédale cassée sur un vélo de 40 kg, la mission est rude. Le prochain village étant à 35 kilomètres (de côte évidemment), Corentin n’a pas d’autre choix que de faire du stop. “Sacrilège !”. Comptant sur la générosité des chiliens et son regard d’enfant voulant à tout prix une glace chocolat-vanille, Corentin n’attend même pas 3 minutes avant qu’un pick-up ne s’arrête et l’emmène à bon port. Un motard chilien rencontré dans le village et revenant d’un road trip en Bolivie nous aide à trouver une pédale, allant de magasin en magasin, de maison en maison, nous trouvons une paire de pédales de compétition avec moteur intégré et chaussons de velours rouge pourpre.

Les kilomètres peuvent déroulés et nous pouvons continuer notre route sereinement. Nous apercevons au loin un immense panneau : “Région d’Atacama” ! Nous nous dirigeons vers cette région encore plus désertique et inhospitalière avec joie, assurance et surtout naïveté. Nous entrons donc dans la fameuse région d’Atacama, la tant attendue, qui est aussi considérée comme la plus aride du monde (pratique pour une périple à vélo en autosuffisance…).

Très peu de villages nous confortent sur la route et il est donc délicat de trouver de l’eau et de la nourriture. Heureusement, nous pouvons acheter des pâtes et trouver de l’eau qui est rarement potable dans le peu de “restaurants” présents sur la route. Par conséquent, nous devons très souvent utiliser le filtre à eau. La bonne nouvelle est la résurrection de notre réchaud Primus après avoir trouver l’astuce magique : préchauffer le réchaud avec de l’alcool à brûler pour assurer la conduction de l’essence.

Ce nouveau quotidien nous permet de revenir de plus en plus à nos besoins primaires et nous fait réaliser que l’on peut se réjouir pour peu de choses. Joyeux Noël.

Nous avons l’impression que ce désert est impénétrable et ne veut pas de notre présence. Des panneaux de signalisation sont présents tous les kilomètres et nous conseille vivement de faire demi-tour ou d’appeler à l’aide, tel un dernier avertissement.

Nous sommes toujours aussi attristés de voir à quel point les chiliens sont sous-éduqués concernant la protection de l’environnement (et nous pesons nos mots). Le bord de la route est continuellement jonché de détritus en tout genre.

Après avoir traversé une bonne partie de ce “no man’s land”, nous ne sommes pas rendus au bout de nos peines. Nous avons rendez-vous avec Diego dans deux jours, un surfeur rencontré deux semaines auparavant nous ayant proposé de nous loger dans un village de pêcheur proche de Caldera. Au vu du point donné sur la carte, nous décidons après six jours de suite de Ruta 5 de sortir enfin de cette route afin de prendre le chemin côtier et profiter du calme, de l’air frais et des routes désertiques. Nous savons pertinemment qu’à chaque fois que nous sortons des sentiers battus, cela nous réserve toujours de plus ou moins bonnes surprises.

Ce sera en effet de bonnes ET mauvaises surprises !

Nous assistons tous les trois à l’un de nos plus beaux campings sauvages dans un décor tout droit sorti de Walt Disney. Nous pensions avoir déjà tout vu et tout vécu concernant les ciels chiliens, mais celui de ce soir reste pour nous le bouquet final du feu d’artifice du 14 juillet sur la place principale de Tourcoing. Explosion de couleurs, explosion de saveurs, cet endroit est absolument magique et restera surement gravé comme un de nos moments marquants du périple Rocket Bike.

Nous continuons sur cette route hors des sentiers battus, nous faisant rouler sur des chemins tous plus insolites les uns que les autres.  Une route désertique, un oasis au cœur d’un désert rappelant les paysages du Sahara, un canyon au milieu de nul part, une plaine à n’en plus finir qui nous laisse imaginer sur la lune. En l’espace de 65 km, nous avons l’impression d’avoir vécu quatre jours différents et visiter cinq pays.

Il faut bien rajouter du piment pour rendre ce périple aussi difficile que mémorable. Un jour semblait sûrement trop peu pour voir ce qu’était la vraie difficulté d’un voyage à vélo au milieu d’un désert. Après 35 km censés nous mener au premier village étape pour notre déjeuner, l’eau et l’achat de vivres pour le soir, nous tombons sur un village fantôme. Nous surestimons trop souvent les chances qu’un village possède un commerce. Ces villes fantômes digne d’un Far West sont aussi magnifiques que terribles. Des milliers de maisons et nous croisons seulement 13 chiens et deux personnes ayant la gentillesse de nous donner de l’eau (plus ou moins potable). En deux jours nous commençons vraiment à connaître ce qu’est « avoir la faim, la vraie faim ». Nous roulons donc 75 km sans manger et le mental commence à nettement s’affaiblir dans de telles situations. Après que la Grande Salle de Poudlard ait accueilli son 8ème banquet en à peine deux chapitres, Corentin abandonne son audiobook Harry Potter au profit du silence du désert et du clapotis des vagues.

Cerise sur le gâteau, arrivés à destination au niveau du point annoncé sur la carte, pas de maison, pas de Diego, et bien sûr pas de réponse à nos nombreux appels téléphoniques. À la recherche de Diego dans un périmètre de 6 km, telle une aiguille dans une botte de foin, un petit géranium dans le Désert d’Atacama, un poisson dans la mer morte… Impossible de trouver cet hôte fantôme dans un décor digne du plus calme Tatooine…

Face à la réalité, nous décidons de puiser dans nos réserves de graisses encore présentes du dernier barbecue Argentin et continuons notre route sur 12 km pour rejoindre Caldera ou nous réservons un hôtel palace avec une chambre de 9 m2. Nous arriverons finalement dans la charmante ville côtière de Caldera, exténués et affamés, où nous resterons deux nuits.

2 comments on “Un désert pour le dessert | Sixième semaine d’aventure

  1. Merci pour ce fabuleux reportage, vous vous régalez, mais nous aussi! Vous souffrez…pas nous!
    C’est juste du bonheur avec ce ciel chilien qui est exceptionnel.
    La photo de vous trois ,arrivant sur vos  » destriers » dans le village désert ,semble sortie d’un Western;
    il manque le son de l’harmonica!
    Courage pour la suite ,et bravo pour les photos et les commentaires.
    On vous embrasse
    Françoise et Jean-louis

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