Ils marchèrent longtemps… Très longtemps… Soudain le miracle s’accomplit, et le Cristo Redentor leur dit : « Ça vous épate hein ? »

Bref.

Nous restons 3 jours à Mendoza dans une auberge de jeunesse où l’on a été accueilli de la meilleure manière qui soit malgré nos effluves corporelles de plus en plus présentes. Au programme : reposer le corps et les esprits au bord de la piscine, travailler sur le projet, fêter les 23 bougies de Corentin et rencontrer des entrepreneurs. Nous avons notamment pu rencontrer Patrick Lozano, ex-champion de Skate, 4ème au championnat du monde de Skate en 1991 et ayant installé son concept store alliant skateshop et musée sur le skate dans la capitale du vin.

Après ce repos bien mérité, il est enfin temps pour nous de rentrer dans le vif du sujet: traverser la majestueuse Cordillère des Andes en passant par le col d’El Cristo Redentor niché à plus de 3850 mètres d’altitude. Mendoza étant situé à 650 mètres, nous allons donc devoir grimper 3200 mètres de dénivelé positif pour se rendre au Chili. Autant vous dire qu’une sacrée affaire nous attend au tournant de la montagne.

Le premier soir, après une demi-journée de vélo nous dormons dans le jardin d’une clinique vétérinaire où nous avons la surprise de dormir au côté d’un chien effroyable tout droit sorti d’un chenil militaire, une sorte de berger allemand surdimensionné dopé à la coca et pesant plus de 60 kilos.

Dès le lendemain matin, une barrière indomptable et majestueuse se dresse, la première côte des Andes s’offre à nous et nous réalisons vite, trop vite à quel point nos 45 kilos de montures et de bagages vont être un défi à mener jusqu’en haut. Nous commençons à nous demander très sérieusement pourquoi nous transportons tant de matériel. La facilité relative des 1100 premiers kilomètres à travers la pampa Argentine se fait vite regretter à mesure que la pente se fait de plus en plus raide.

Pire encore nous avons passé près de 3 heures à grimper une côte interminable avant de tout redescendre en un rien de temps à près de 80 km/h. Retour à la case départ… Rien de plus frustrant. Nous en sommes arrivés à détester les descentes car nous savons pertinemment qu’une douloureuse montée nous attend inévitablement.

Cependant nous réalisons la splendeur et la diversité des paysages qui nous entourent. Habitués aux montagnes bien de chez nous, nous découvrons des vallées rocailleuses aux couleurs minérales. Chaque virage nous offre un spectacle différent, un nouveau tableau rempli de mille couleurs pastels. Des alpagas à gauche, un pont digne des décors d’Indiana Jones à droite, un somptueux lac d’altitude en face… On en parvient même à regretter un temps soit peu nos stages dans ces merveilleuses tours de l’ouest parisien tant le paysage nous rend circonspect.

Une journée nous a tout particulièrement marqué surtout pour ce brave Nicolas. C’était un samedi 11 Mars 2018, journée à priori banale, 60 km de montée à 3000 mètres dans une montagne toujours plus insaisissable : somme toute la routine…

Nous allons commencer par vous conter cette histoire à travers le ressenti de Nicolas, protagoniste solitaire de cette sombre et délicate affaire.

“Après que nous nous eussions délectés de quelques mets raffinés dans un boui-boui de camionero, nous décidâmes de reprendre la route pour une après-midi plutôt sportive.

Malgré un vent fortement défavorable en cet après-midi radieux, nous chevauchâmes nos montures tels des chevaliers sans foi ni peur.

Sur les coups de 15h, encore et toujours estomaqué par le paysage environnant, je pris un certain retard, qui me força à pédaler d’arrache-pieds. 40 km plus tard, toujours personne en vue, il commence à faire nuit, le prochain village est à 10 km et je n’ai pas la foi de parcourir cette distance dans ces lacets infernaux. Je décide alors de m’arrêter seul pour la nuit ne sachant plus vraiment s’ils sont devant ou bien derrière moi. J’apprendrai le lendemain que Paul et Corentin s’étaient arrêtés prendre une photo au bord de la route, que je les avais dépassé sans m’en apercevoir et qu’ils ne m’avaient pas vu non plus.

Bonne nouvelle c’est moi qui ai le réchaud et les pâtes. Mauvaise nouvelle je n’ai ni gamelle ni ustensiles pour faire cuire quoique ce soit.

Toutefois, quelques gâteaux secs et un litre d’eau me seront d’une utilité certaine. Une rivière coule à quelques dizaines de mètres de mon campement mais malheureusement ce n’est pas moi qui transporte le filtre à eau.  N’ayant que la moustiquaire de la tente, je l’attachais avec de petites cordelettes aux arbustes alentours et malgré tout, ma petite installation s’est révélée être un franc succès.

J’assiste dans ce lieu exceptionnel au plus beau ciel étoilé de ma vie. Je me dis que mes deux camarades doivent dormir à la belle étoile et avoir le même spectacle que moi à probablement moins de 10 km de distance. Je n’aurais pas pu rêver de meilleur endroit pour être séparé de mes deux compères tant le lieu où j’ai atterri est magistral. Je n’ai plus rien envie de faire excepté regarder le spectacle des montagnes et de la pleine lune qui se lève devant moi. Je goûte aux joies et aux peines du voyage en solitaire et je me rends également compte à quel point le fait d’être parti à trois n’était peut-être pas une si mauvaise idée.

Ce soir, je suis seul et j’ai un ressenti partagé. D’un côté, voyager seul doit être un merveilleux moyen de se connaître d’avantage et de vivre des choses extraordinaires mais bon à quoi bon vivre ces moments uniques si ce n’est pas pour les partager.

Après une nuit frôlant les 0 degrés, je repars sur la route de bon matin et grâce à l’aide précieuse d’un motard je parviens à retrouver les deux fugitifs en milieu de journée suite à 20 heures d’échappée solitaire dans l’immensité de la cordillère.”

Mais qu’en était-il de Paul et Corentin ?

« En tant que deux photographes professionnels, nous avions sauté sur l’occasion de fournir notre futur vernissage au Grand Palais en apercevant un canyon des plus majestueux… Pour nous, la photo est un reflex #astuce.

Au bout d’un certain temps, nous nous sommes demandés où était notre compère. Se disant qu’il avait peut-être un problème plus haut, Paul remonta les 3 kilomètres précédents à sa recherche mais ne le trouva point. Nous nous dîmes que s’il ne nous ne nous avait pas vu, nous étions en train d’allonger l’écart…

Ni une ni deux, nous décidons de rouler jusqu’au point de nuit prévu à l’avance à 20 kilomètres d’ici. 10km, 15km, 20km… Nous arrivons à l’endroit indiqué. Pas de Nicolas (pas de chocolat). Corentin s’avance plus profondément dans la pampa pendant que Paul essaie d’arrêter toutes les voitures (en essayant de ne pas se faire écraser) pour demander si elles auraient vu un autre cycliste… 19h45, après une heure d’attente et d’interrogation, hallelujah ! Un gang de 3 argentins ritals s’arrêtent et nous annoncent que Nicolas se trouve au prochain village… 20 kilomètres plus loin. Comment l’arrêt supposé à 20km a pu se transformer en 40km dans sa tête, nous appellerons ça le mystère du petit Nicolas.

La nuit tombait. Que faire ? Allons-nous rouler de nuit pour retrouver cette âme égarée ? Nous décidons de prendre le risque… Armés de nos minis lumières de vélo et de la frontale surpuissante de Paul, nos partons donc affronter les ténèbres. Une route de montagne à vélo, de nuit, avec des camions nous croisant pleins phares. Voilà le triste sort qui nous a attendu jusqu’à l’arrivée au village. À 22h30. Toujours pas de chocolat. Où était-il ?! Nous devenons soudain bilingues en espagnol et expliquons notre situation à la seule épicerie du coin. Nous demandons finalement s’il y a une église dans le village et nous y faisons escorter par les enfants du vendeur. 5 minutes plus tard, une des femmes présente dans l’épicerie arrive avec les clés de l’église, nous ouvre et loge. Avant de nous laisser, elle nous offre deux nouveaux testaments (en espagnol) et deux calendriers chrétiens du village. Notre premier cadeau souvenir !

Nous nous endormirons doucement mais avec inquiétude : où est Nicolas ?

Le lendemain, nous nous levons tôt pour partir à sa recherche. Après une fouille de fond en comble du village et ses alentours, même verdict. Pas de chocolat (malgré l’approche de Pâques). Nous décidons après presque deux heures de recherche de partir de l’avant en se disant qu’il avait dû dépasser le village.

Au bout de quelques kilomètres de rude montée, un motard venant de derrière nous arrête et nous annonce une bonne nouvelle : Nicolas est arrivé au village. Nous nous posons sur le côté de la route et attendons en se demandant ce qu’allait être son histoire. »

Le reste de la journée est difficile, le vent est très puissant et bien sûr en pleine face. Nous parcourons seulement 40 km ce jour-ci, triste record… Sur le (faux) plat nous pouvons espérer filer à plus de 10 km/h tandis qu’en montée, 8 km/h semble être un effort surhumain.

Nous dormons la nuit précédant l’ascension finale dans un endroit somptueux à 3000 mètres d’altitude, qui de loin représente notre meilleur lieu de campement de notre début d’aventure. C’est également la nuit la plus glaciale que nous avons eu à affronter et le baromètre négatif se fait profondément sentir malgré notre matériel adapté.

La vue est unique à 360 degrés et nous sommes très déçus que notre drone ne puisse voler en raison du froid et du manque de pression de l’air dû à l’altitude.

Arrivés à 3200 mètres, il nous reste 650 mètres à grimper sur une route quasi verticale de terre et de pierres. 9 km nous séparent du col mais cela nous paraît une éternité. nous mettrons 2 heures non sans mal pour arriver au sommet, le manque d’air ne semble pas trop nous affaiblir pour autant. Ndld: en Bolivie ce sera une autre paire de manche.

Nous sommes de vrais stars lors de l’ascension, les voitures nous klaxonnent et les cars de touristes s’arrêtent pour prendre nos portraits. Même Mr. Froome n’a jamais vécu une telle ferveur et nous, on ne triche pas avec certaines substances douteuses (excepté la coca…).

Arrivés au sommet en fin d’après-midi, nous sommes soulagés et heureux d’être seuls et de ne pas avoir à supporter ces affreux touristes. Le froid perçant nous rappelle que nous sommes à près de 4000 mètres et que nous devons inévitablement enfiler tous les vêtements que nous possédons dans nos sacoches.

Nous sommes accueillis au sommet par une compagnie de chasseurs alpins argentins au nombre de deux qui apparemment gardent la frontière historique (un tunnel ayant été construit dans les années 80, 700 mètres plus bas afin de faciliter les échanges entre les deux pays).

Ils nous racontent leurs expériences dans l’armée argentine, l’héritage mal digéré de la guerre des Malouines et les échecs cuisants de l’armée en terme d’équipement : le programme de développement de drone de surveillance partant systématiquement en fumée ou alors des armes conçues en Argentine se brisant littéralement en deux. Cela nous fait penser au florissant et ambitieux programme spatial de la République Démocratique du Congo.

Ces deux hommes entièrement coupés du monde nous font penser aux gardiens de phares bretons tant leur situation est précaire : pas de véhicule, ni électricité, ni chauffage, ni eau courante. Autant vous dire que la nuit au sommet fut fraîche. Après 1 mois en Argentine, nous avons enfin compris à nos dépends que lorsque nous partageons un mate, c’est l’invité qui doit dire stop et non l’hôte. Au bout d’une 1h30 d’un mate coupé à la coca nous dînons un hasado (barbecue local) douteux et allons nous reposer, exténués par cette journée éprouvante.

 

Le lendemain, après une courte et difficile nuit en altitude, nous devons nous réveiller à 6h30 car tous le régiment de haute montagne se rejoint au col afin de célébrer le centenaire d’El Cristo Redentor. Ces militaires ont en effet transgressé le règlement du régiment afin de nous accueillir au chaud et nous ne savions comment les remercier.

La descente est glaciale, nos gourdes sont gelées et le vent est toujours omniprésent ! Vers 10h, les délicieux rayons de soleil nous atteignent par delà les montagnes et nos membres engourdis reprennent peu à peu leur motricité. Ayant passé la douane étonnement rapidement, nous nous lançons à toute berzingue (munis du casque) sur les lacets infernaux qui nous mèneront à Santiago et nos patins de frein comment à littéralement fondre sous la pression.

 

Arrivés à Santiago en un temps record et enfin propres après une douche incroyable, nous prévoyons de rencontrer 6 entrepreneurs et travailler sur le contenu de nos articles avant de repartir vers Valparaiso.

4 comments on “Vous voyez cette colline ? Allez voir là-bas si j’y suis… | Troisième semaine d’aventure

  1. Merci pour ce fabuleux reportage!Les paysages sont somptueux , bravo aux photographes.
    Quelle aventure pour ce pauvre Nicolas!Pas de relais téléphone dans ce Bled!!!!ça doit vous manquer!
    Mignons les alpagas…. où sont les condors?
    Vous vivez une expérience formidable, même si  » la route est dure dure dure…chante si tu es fatigué….. »(chanson bien connue de tous!)
    On vous embrasse tous les trois

    Françoise et Jean louis

  2. Incoyable récit qui tient en haleine !!!
    Bon courage les gars vous êtes au TOP 😀
    Hâte de lire le prochain article !
    Gros bisous de France

  3. quel beau voyage, pour nous aussi, estupando !! fenomenal !!!
    BRAVO, aproveche !
    c’est fabuleux et vive la jeunesse,
    en fait les photos surtout flore … c’est pour un calendrier ???
    magnifique !!!
    un beso a Nicolas …..
    tata

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