Nous avons rencontré Julia, qui est à Yangon depuis 4 ans et qui est la créatrice de la marque Jamunmai. D’une simple passion pour les savoir faire traditionnels, à une marque de mode: comment Julia a-t-elle entrepris à Yangon?

Est ce que tu peux te présenter rapidement, comment es-tu arrivée en Asie du Sud Est, et plus particulièrement à Yangon?

“Je m’appelle Julia, j’ai fait une école de design à Paris et pendant mes études je me suis prise de passion pour les savoir faire traditionnels dans le monde. J’ai donc fait un échange en Ouzbékistan qui m’a beaucoup apporté. Je me suis engagé dans une ONG au Cambodge qui avait pour mission de scolariser des enfants. Ensuite, je suis arrivé en Birmanie pour un service civique de 7 mois. Pendant ces 7 mois, je m’occupais d’aider à la formation en couture et en artisanat de minorités excentrées. En revenant en France je n’étais pas pleinement satisfaite de ma mission car le projet n’a pas continué après mon départ. J’ai donc décidé de revenir, et cela fait 4 ans maintenant que je vis à Yangon. “

Comment est arrivé Jamunmai?

Tout d’abord, je retournais en Birmanie forte de l’inspiration que m’avait apporté mon premier séjour. Je ne revenais donc pas par hasard, j’avais une idée assez précise en tête. Je voulais créer une marque de vêtements Birmans pour les Birmans. Cette période a été assez dure car je vendais peu de vêtements, je ne parlais pas la langue, je devais créer ma collection… C’est alors que je me suis rendu compte que ma cible initiale n’était pas la bonne.

Un jour un de mes amis m’a demandé de lui fabriquer un caleçon, j’ai donc pris une chute de Longyi (vêtement traditionnel masculin Birman) que j’ai transformé en caleçon. À force de bouche à oreille, de nombreuses personnes se sont mises à me demander des caleçons. Je me suis rendu compte que je ne devais pas faire des vêtements pour les Birmans. Je devais plutôt en créer pour les expat’ et pour les touristes. 

Tu as donc complètement pivoté de ton idée initiale, quels ont été les autres étapes du développement de Jamunmai?

Je donnerais 3 étapes importantes dans le développement de Jamunmai:

  • La première est la vente par bouche à oreille, c’est à dire quand je faisais des vêtements pour des amis et pour des amis d’amis. Si les ventes fonctionnaient par bouche à oreille, c’est parce que ces vêtements répondaient à une demande.
  • La deuxième serait le moment où j’ai commencé à vendre dans une boutique. Celle-ci: Hla Day, m’a fait rentrer dans une phase de retail. Cette boutique a été ouverte par une expat pour mettre en valeur les vêtements fabriqués à partir de l’artisanat local, j’étais donc tout à fait dans le thème.
  • La troisième serait lorsque je suis devenu fournisseur de l’hôtel “Inle Heritage”, entrant donc du côté BtoB.

Tu t’es donc diversifié pour que le BtoB te soit accessible? 

“Oui, au début, l’hôtel m’achetait des vêtements pour les revendre dans sa boutique. Ce qui se justifiait bien, car une partie de ma collection est fabriquée à côté de Inle. Puis de fil en aiguille, l’hôtel m’a demandé de lui fabriquer des peignoirs et un uniforme, puis de créer des vêtements spécifiques pour lui. J’ai notamment créé des vêtements avec des chats car l’hôtel est connu pour ceux de l’île où il se trouve. D’autre part, cette collaboration me permet de devenir un prestataire de service, ce qui facilite les choses au niveau administratif. La licence à acheter pour être prestataire de service est beaucoup moins chère que celle que doit avoir un retailer.”

Le contexte économique et social du pays a-t-il été un moteur pour ta marque?

En Birmanie, la mode est quasiment inexistante. Seulement quelques marques mondiales vendent leurs articles ici, mais il s’agit de fin de série vieilles de quelques années. D’autre part, les Birmans n’ont pas forcément les moyens d’acheter de la marque. Dans ce contexte là, une marque s’inspirant des couleurs et des motifs Birmans, en restant dans les standards de la mode internationale manquait cruellement aux expats et aux touristes. 

Quelles sont les perspectives d’évolution de ta marque ?

Actuellement je prépare mon départ de la Birmanie. Contrairement à il y a 4 ans, je prends le temps de pérenniser mon action sur place. J’espère que ma marque survivra. Pour cela, je développe une autre marque qui regroupera toutes mes activités en lien avec l’hôtellerie, et le prêt à porter “de base”. J’amènerai avec moi Jamunmai qui sera ma marque de mode un peu plus “pointu”, Jamunmai est le fruit de ma créativité.

Où vas-tu, quels sont tes prochains projets?

Yangon est une ville pleine d’opportunité et j’ai beaucoup aimé mes 4 ans sur place. Avec la séparation de mes marques, je cherche une ville plus centrale pour la mode, je pense notamment à Bangkok. Je pense en effet pouvoir accélérer ma créativité dans un terreau plus propice à la mode. D’autre part, j’aimerais vraiment exporter le concept de ce qu’est aujourd’hui Jamunmai dans d’autres pays, d’autres villes, afin de mettre en avant d’autres savoir-faire artisanaux. 

Au niveau des chiffres où en est ta marque Jamunmai?

Aujourd’hui Jamunmai est une marque qui commercialise environ 4000 vêtements par an ce qui représente un chiffre d’affaire approximatif de 12 000$. Le challenge est de pérenniser ce CA après mon départ du Myanmar, je ne serai de toutes façons jamais loin de Yangon.

Un conseil pour un jeune entrepreneur qui souhaite venir s’installer au Myanmar?

Etre patient, je pense que c’est vraiment le conseil le plus important. Il n’est vraiment pas évident de travailler avec les Birmans en ayant des standards européens. La patience est donc une qualité primordiale à avoir pour s’adapter à la culture et ne pas imposer des standards qui ne sont pas ceux qu’ont les Birmans.

Si vous voulez en apprendre plus sur Jamunmai, nous vous invitons à visiter son site internet: https://jamunmaiburma.com/

Vous pouvez aussi faire un tour sur notre article https://rocketbike.org/julie-garnier-lilla/ pour avoir un autre point de vue sur une marque créé au Myanmar

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